G 8 : ENTRE MARKETING POLITIQUE ET LOBBYING

Publié le par ELMIR

 
SOMMET G 8 : ENTRE MARKETING POLITIQUE ET LOBBYING
 
Le sommet des huit pays les plus industrialisés de la planète connu sous le nom de Groupe de 8 ou G 8 se tient du 6 au 8 juin 2007 à Heiligendamm en Allemagne. Le G8 qui se réunit tous les ans dans un pays différent est né en novembre 1975 au château de Rambouillet à l’initiative du président français de l’époque, Valérie Giscard d’Estaing. Le G 8 était à l’origine un G 6 groupant la France, les USA, la Grande Bretagne, l’Allemagne, le Japon et l’Italie. Au sommet de San Juant à Porto Rico en 1976, le G 6 fut joint par le Canada et par la Communité Européenne au sommet de Londres en 1977. Depuis le sommet de Naples en 1994, la Russie participa d’abord en tant qu’observateur et ce n’est qu’au sommet de Birmingham qu’elle devint un membre à part entière. Désormais on parle du G 7/8.
 
Les thèmes traités par le G 7/8 portent sur des questions macroéconomiques, le commerce international, les rapports avec les pays en voie de développement, les relations EST-OUEST, l’énergie et le terrorisme. Depuis, l’agenda des sommets du G 7/8 s’est enrichi d’autres thèmes comme la microéconomie, l’emploi, les autoroutes de l’information, et bien d’autres sujets comme l’environnement, le crime, la drogue, la sécurité régionale, le contrôle des armements et les droits de l’homme. Le calendrier de chaque sommet et le suivi des recommandations de chaque sommet sont préparés par des groupes de travail constitués de représentants personnels des dirigeants du G 8, appelé sherpas. D’autres réunions sont organisées à l’échelle ministérielle, ministres des finances, des affaires étrangères ou ceux de l’environnement. D’autres groupes de travail ont également été créés pour traiter du blanchiment d’argent sale, de la sécurité nucléaire et du crime organisé. Les sommets sont à la fois l’occasion pour les Chefs d’État et de gouvernement de se rencontrer et de se connaître pour mieux coordonnées leurs actions et pour définir les priorités de la communauté internationale pour les années à venir.
 
Parmi les thèmes qui vont faire l’objet d’âpres discussions au cours du sommet de Heiligendamm sont le changement climatique, les armes nucléaires en Europe, la pauvreté en Afrique, la globalisation et la sécurité régionale.
 
SOMMETS DU G8 : AFFAIRE DE MARKETING POLITIQUE
 
Les initiateurs de ce groupe informel n’avaient sûrement pas les mêmes préoccupations que celles des Chefs d’État et de gouvernement actuels. Le G 6 est né du choc pétrolier de 1973 mais ce sont les nouveaux défis posés aux sociétés industrialisées qui ont entraîné au fil des ans l’intégration de nouveaux thèmes dans les programmes des sommets du G 8. À la fin de chaque sommet, des recommandations et des engagements sont proclamés solennellement mais les intérêts propres de État membre empêchent d’aboutir à des solutions concrètes. De plus, la logique du système économique international constitue un frein à toute velléité de réforme de ses structures ou de modification de ses règles du jeu. Prenons l’exemple du changement climatique qui va être discuté au sommet de Heiligendamm. L’Allemagne et ses partenaires européens voudraient bien conclure un traité intégrant les recommandations de l’accord de Kyoto sur la limitation des émissions des gaz à effet de serre. L’Allemagne a proposé également la diminution de 50% de ces émissions jusqu’en 2050 et une économie d’énergie de 20% jusqu’en 2020 également. Les USA qui n’ont pas ratifié les accords de Kyoto sont opposés à toute limitation de durée et le Président Bush préfère réunir avant la fin de son mandat à la fin de 2008, les 14 grands émetteurs des gaz à effets de serre pour parler de ce sujet. Les autres membres du G 8 veulent tout simplement travailler dans le cadre de l’ONU. Une autre question qui constitue le point d’achoppement entre les membres du G 8 est celle des armes nucléaires en Europe qui oppose la Russie au bouclier antimissile américain dans l’Europe de l’Est. L’aide à l’Afrique fait l’objet de discussions. La recommandation du G 8 au sommet de Gleneagles de doubler l’aide à l’Afrique est restée lettre morte. Chaque membre vient avec ses propres solutions. Ainsi, l’Allemagne propose-t-elle l’encouragement de l’investissement privé par la création d’un fond spécialisé dans le micro-crédit et une augmentation des dépenses destinées à la lutte contre le sida. En matière de mondialisation et de commerce, l’Allemagne souhaite la relance du Doha Round et la régulation des marchés financiers, ce que refusent les Américains et les Anglais. Sur la question de la sécurité régionale, la Russie se heurte aux autres membres du groupe du G 8 et s’oppose fermement au plan européen sur le Kosovo. La Russie est aussi contre les sanctions à l’égard de l’Iran. Bush va sûrement appeler à l’aide pour financer sa guerre au nom de la lutte contre le terrorisme en Irak et en Afghanistan, ce qu’aucun des membres du G 8 n’est disposé à céder à cette demande vu l’état actuel des choses sur le terrain dans ces deux pays. Mais ce sommet du G 8 à Heiligendamm va être, comme d’ailleurs pour les autres sommets, une formidable machine à communiquer sans réels pouvoirs pour agir sur les vrais problèmes auxquels l’humanité toute entière va se trouver confronter dans les décennies à venir. D’ailleurs, on ne voit pas comment les pays du G 8 vont pouvoir apporter, par exemple, à eux seuls, des solutions crédibles et concrètes au problème de l’émission des gaz à effet de serre en laissant de côté de pays comme l’Inde et la Chine qui sont, avec les USA, les premiers pollueurs du monde.
 
LOBBYING DES GROUPES PROTESTATAIRES
 
Depuis le sommet de Gênes en 2001, des groupes protestataires se mobilisent chaque année pour dénoncer soit le caractère antidémocratique des sommets du G 8 soit pour pratiquer une sorte de lobbying destiné à faire entendre leurs revendications. Parmi les principales organisations contestataires, on trouve Global Call to Action against poverty(GCAP), Greenpeace, Oxfam, Christian Aid, ATTAC, Friends of the earth(amis de la terre), et « Black Bloc »(bloc noir). Dans les manifestations, il y a des jeunes et des moins jeunes de toutes les nationalités. Les deux thèmes qui focalisent leur attention, la pauvreté et le changement climatique. Certains groupes réclament l’annulation des dettes des pays en voie de développement, le commerce équitable, l’éducation, l’eau; d’autres mettent en avant la guerre, la torture et les politiques discriminatoires en matière d’immigration. Oxfam veut par exemple rappeller aux dirigeants du G 8 leurs promesses non tenues du sommet de Gleneagles de 2005 où il était question d’augmenter de 50 milliards de dollars l’aide au développement jusqu’en 2010 mais que des études récentes montrent qu’au contraire, elle a baissé de 30 milliards de dollars. D’un autre côté, l’aide promise à la lutte contre le sida en Afrique est accordée d’une façon discriminatoire, car les critères selon lesquelles elle est affectée doivent obéir à des conditions politiques comme le respect de la démocratie et des droits de l’homme.
 
Malgré leurs intentions philanthropiques louables, ces groupes protestataires ignorent la réalité du terrain et la logique de domination qu’exercent des acteurs beaucoup plus puissants mais invisibles et difficilement identifiables qui sont les grandes firmes multinationales qui imposent leur propre loi à l’ensemble de la planète. Les organisations protestataires pensent à tort que ce sont les Chefs d’État et de gouvernement des pays du G 8 qui détiennent les pouvoirs nécessaires pour changer la donne sur le terrain. En réalité, ils ne sont qu’une façade derrière laquelle s’opèrent les sociétés transnationales qui décident comme bon leur semble, la vie et la mort de tous les hommes de la terre. Si les protestataires s’attaquent aux seuls dirigeants politiques des pays industrialisés, c’est parce qu’ils sont des cibles visibles et facilement identifiables alors que les firmes multinationales sont partout et nulle part et c’est parce qu’une entreprise transnationale constituée par un ensemble d’entreprises reliées par certains liens juridiques obéissant à une stratégie commune et réparties dans des territoires soumis à des souverainetés étatiques différentes. Ce sont des superpouvoirs privés dont les activités dépassent les limites des frontières des Etats-nations tout en restant soumises à leurs lois et règlements. Les Chefs d’État et de gouvernement peuvent imposer leur autorité sur un territoire de quelques milliers de kilomètres carrés alors que les PDG de Nestlé, de Coca cola imposent leurs lois à l’ensemble de la planète. La clé de la solution au problème du changement climatique se trouve non pas entre les mains des dirigeants du G 8 mais entre celles des sociétés multinationales qui, après avoir saccagé l’environnement de leurs pays d’origine, exportent leurs industries polluantes dans des pays où il n’existe pratiquement pas de législations en matière de protection de l’environnement. 
 
C’est la raison pour laquelle, les sommets du G 8 demeurent une bonne affaire de marketing politique pour les Chefs d’État et de gouvernement des pays industrialisés et un lieu de défoulement collectif pour les groupes protestataires.
 
FAOUZI ELMIR
 
 
 
 
 
    
 
 
     
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