Plan Marshall et division de l'Europe

Publié le par ELMIR

PLAN MARSHALL ET DIVISION DE L’EUROPE

Le plan Marshall né il y a soixante ans le 5 juin 1947, est perçu comme un acte de générosité et de compassion des USA à l’égard d’une Europe exsangue à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quand on replace cet événement dans le contexte de l’époque, on peut se demander si le plan Marshall inspiré par la doctrine de l’endiguement de Truman n’était pas un cadeau empoisonné et n’était pas à l’origine de la division de l’Europe en deux blocs et de la guerre froide.

PRELUDE A LA MISE EN PLACE DU PLAN MARSHALL
 On ne peut comprendre les conditions de naissance du plan Marshall sans retour à la Guerre civile en Grèce. C’est en effet cette guerre civile qui a fourni l’occasion à Truman de déclarer que le monde était divisé en deux « modes de vie » et d’entamer par la suite une croisade idéologique contre le communisme. En 1944, le Front de libération nationale(EAM) dominé par les communistes contrôlait la presque totalité du pays. L’EAM qui faisait partie d’un gouvernement d’unité nationale se trouva opposé à l’armée britannique qui était entrée en Grèce après le départ des Allemands. Les forces britanniques occupantes ordonnèrent alors à tous les mouvements de résistance de déposer les armes surtout l’EAM qu’elles voulaient briser à tout prix pour installer au pouvoir les monarchistes et la droite grecque. Avec l’aide des forces anglaises, le premier ministre Papandreou parvint à constituer une garde nationale formée d’anciens nazis en prenant soin de placer à sa tête des officiers monarchistes. Grâce à la police et à la nouvelle armée grecque équipée et entraînée par les Britanniques, la gauche fut brisée et des élections furent organisées le 31 mars 1946 suivies sept mois plus tard par un référendum ramenant le roi sur le trône. Parallèlement, les Britanniques déversèrent durant les trois premières années d’après-guerre, 750 millions de dollars de fournitures sur le Grèce pour soutenir le gouvernement de droite dirigé par Tsaldaris qui consacrait la moitié des dépenses à l’armée et à la police et seulement 6% à la reconstruction du pays. C’est sur cette Grèce là qui avait écrasé le front de libération nationale l’EAM dominé par les communistes que Truman avait bâti sa « Doctrine » de l’endiguement dont le plan Marshall n’était qu’un des outils pour contenir le communisme en Europe et dans le reste du monde. Pour que cette doctrine entre en application, il a fallu une tempête de neige qui s’était abattue sur la Grande Bretagne en janvier 1947 pour que sonne le glas de l’empire britannique avec l’indépendance en cascade de l’Inde, de la Birmanie, de la Palestine qui tomba entre les mains de l’ONU, de l’Afrique du Sud, du Guatemala, de l’Argentine, de l’Irak et de l’Egypte. Le 24 février 1947, la Grande Bretagne informa les USA de son incapacité à maintenir ses troupes en Grèce et en Turquie et le 12 mars Truman vint au Congrès pour demander une aide économique et militaire pour les deux pays, plus particulièrement à la Grèce où la guerre faisait rage. Il saisit l’occasion pour mener sa croisade idéologique contre les régimes totalitaires communistes sans se douter un instant qu’il était devenu l’allié naturel de ces deux dictatures, grecque et turque.
 
IMPACT POLITIQUE ET IDEOLOGIQUE DU PLAN MARSHALL
 
Devant le refus des dirigeants soviétiques des conditions imposées par le plan Marshall à la conférence de Paris durant l’été de 1947, les USA décidèrent de mettre en place un plan d’aide économique à l’Europe occidentale en ruine. Le gouvernement socialiste de Ramadier décida alors d’accepter l’aide américaine après avoir chassé les communistes de son gouvernement. Il en fit de même des communistes italiens chassés à leur tour du gouvernement de leur paysr. Le coup de Prague fit basculer des pays qui étaient à l’origine hostiles au plan Marshall comme la Suède, le Danemark et la Norvège mais que l’affaire de la Tchécoslovaquie allait contribuer à la marshallisation de l’opinion publique occidentale. Quand les premiers navires de l’aide Marshall arrivèrent dans les ports italiens et furent déchargés au cours d’une cérémonie couronnée par un discours de l’ambassadeur américain, le département d’Etat annonça que les Italiens qui voteraient communistes se verraient refuser le rêve de tout italien, émigrer en Amérique. Résultat : les chrétiens-démocrates pro-occidentaux obtinrent 53% des voix contre 30% au bloc pro-communiste. Le secrétaire d’Etat Marshall avertit crûment l’Italie et les nations bénéficiaires du Programme de Reconstruction européen(le plan Marshall) qu’elles s’exposeraient à une fin brutale de l’aide accordée si elles envoyaient des communistes au pouvoir.
 
C’est pour faire face à la croisade anticommuniste de la doctrine Truman suivie de la politique du chantage à l’aide du plan Marshall que l’Union soviétique décida d'établir ses propres «  zones de sécurité ». Le premier signe manifeste de la politique d’endiguement américaine détecté par les soviétiques apparut dans  l’affaire iranienne quand l’Union soviétique avait été contrainte de quitter ce pays sous la pression du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’opinion publique. Sitôt après le départ des soviétiques, les Américains y entrèrent grâce à leurs dollars et au gouvernement iranien qui dénonça les accords pétroliers avec la Russie. Les USA purent ainsi s’établir sur une des frontières les plus stratégiques pour l’Union soviétique. C’est donc la « méthode iranienne » qui alerta la Russie sur le danger de la stratégie américaine de l’encerclement en la poussant à pratiquer à son tour une politique de satellisation des pays de l’Europe de l’Est comme réponse à l’expansionnisme et l’impérialisme des USA sur le continent européen. C’est en réaction à la doctrine Truman de l’endiguement et au plan Marshall que l’Union soviétique décida alors de renverser les gouvernements non communistes de Hongrie et de Tchécoslovaquie en pratiquant avec ces pays une politique active d’intégration économique, politique et militaire. Ce furent aussi le début du casus belli de la guerre froide elle-même et la formation de deux blocs antagonistes qui allaient entraîner une course effrénée aux armements et à l’émergence des alliances militaires, l’OTAN et le pacte de Varsovie.
 
En conclusion, sans la doctrine Truman de l’endiguement et sans le plan Marshall destiné à utiliser l’arme du dollar comme instrument de lutte contre l’influence des partis communistes en Europe Occidentale à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe ne se serait pas divisée en deux blocs antagonistes ; la guerre froide n’aurait pas eu lieu et les sommes colossales englouties dans la course aux armements seraient affectées autrement, peut-être à l’éradication de la misère sur le continent européen et à la lutte contre la faim dans le monde. 
 
FAOUZI ELMIR
 
MOTS CLES : Marshall, Truman, économie, Europe, communisme.
 
 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article