LA DEMOCRATIE DU GRAND CAPITAL

Publié le par ELMIR

LA DÉMOCRATIE DU GRAND CAPITAL

Le peuple irlandais a parlé et a dit NON au traité de Lisbonne. Aussitôt les résultats connus, les commentaires vont bon train et les stratagèmes destinés à annihiler les résultats de ce vote négatif de l'Irlande fusent de tous les côtés. Comme le grand capital se trompe rarement dans ses évaluations économiques et dans ses choix des hommes appelés à servir ses intérêts, il s'est mis à quatre pattes pendant deux ans, de 2005 à 2007, pour faire élire son homme lige, Sarkozy. Après son élection, Ce dernier s'est empressé de concocter à Lisbonne un « traité simplifié » qui sera ratifié par voie parlemantaire allant ainsi à l'encontre de la volonté du peuple français qui rejeta le 29 mai 2005 le « projet établissant une constitution pour l'Europe » Quel bel exemple d'usurpation de pouvoir et de détournement de la représentation nationale à des fins purement mercantiles. Les donneurs des leçons en démocratie et en droits de l'homme hurlent souvent contre les dictatures Birmane, nord-coréenne, zimbabwéenne alors qu'ils n'hésitent pas un instant à bafouer la volonté populaire quand elle ne va pas dans le bon sens, c'est-à-dire dans le sens voulu par les représentante et les gestionnaires des affaires du grand capital dans la sphère politique. Ceux qui ont suivi de plus près les stratagèmes institutionnels utilisés par Sarkozy pour aliéner le vote du NON français et les futures manœuvres destinées à détourner le vote du NON irlandais se rendent vite compte de cette démocratie de pacotille.

A l'origine, ces sont les Etats qui ont encouragé et accompagné l'accumulation du capital en favoriant la formation de grands ensembles nationaux. Ces mêmes Etats ont également facilité l'exportation du capital financier et le capital industriel durant la phase impérialiste du développement du capitalisme à la fin du XIXe siècle jusqu'en 1914. Paradoxalement, les deux guerres mondiales du XXe siècle ont permis la régénération du capitalisme grâce à la mondialisation du marché. Ce paradoxe s'explique par le fait que tout le procès de l'accumulation du capital se résout en une surproduction, les guerres et les destructions étant une cure d'amaigrissement pour un capital dévalorisé et unepurge salutaire d'une surpopulation inutile économiquement car elle est généralement insolvable. C'est pourquoi, on remarque que les lendemains des guerres sont toujours des lendemains qui chantent et correspondent à des périodes d'euphorie pour le capital qui s'est régénéré entre-temps en se fructifiant et en se valorisant grâce à la reconstruction des Etats en ruine. Mais, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fallait compenser la perte de marchés et débouchés occasionnée d'un côté par le basculement d'une partie du continent européen dans le camp socialiste et de l'autre la perte des anciennes colonies africaines. La création d'un formation d'un Marché commun européen visait à pallier la perte d'environ 650 000 kilomètres carrés, une zone équivalant aux quatre marchés français, suisse, belge et danois. A cela s'ajoute la perte du marché russe et ses gigantesques réserves en ressources naturelles depuis 1917. C'était Trop beaucoup trop pour le grand capital européen et il fallait reconquérir à tout prix tous ces marchés perdus suite à la division de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale. Ce qui a été fait avec succès à la fin des années quatre-vingt du XXe siècle avec le démantèlement du bloc communiste européen.

Une fois les anciens Etats socialistes réintégrés dans le giron capitaliste, il fallait passer à la vitesse supérieure maintenant que l'obstacle idéologique est écarté. Il était essentiel de procéder rapidement à la mise en place de toute une panoplie institutionnelle pour mettre au diapason les vingt sept pays de l'Union européenne. Doter l'Europe d'une constitution, c'est le réponse logique pour prévenir les aléas des changement de gouvernement et pour harmoniser les politiques économiques des Etats membres. Le nouveau rôle des Etats consisterait désormais à transposer dans les législations nationales les orientations générales et les injonctions du grand capital européen représenté par les institutions européennes de Bruxelles.

A présent, les Etats ne maîtrisent ni les principes de leur politique économique ni les moyens financiers dont ils ont besoin pour réaliser des projets nationaux. C'est la Banque centrale européenne qui décide désormais de la politique monétaire des Etats membres. Le dernier exemple des marins pêcheurs en colère est éloquent à cet égard car il montre à quel point les Etats sont dépossédés de toute marge d'action et ils sont réduits à un simple rôle de figuration puisque le ministre de la l'agriculture et de la pêche était obligé d'aller à Bruxelles pour demander l'autorisation du déblocage de la somme de 110 000 millions d'euros pour aider les marins pêcheurs à amortir la hausse du prix du gasoil. D'ailleurs ces mêmes marins pêcheurs ne se sont pas trompés de cible, puisqu'ils se sont rendus directement à Bruxelles et non pas à Paris pour manifester leur colère. Deux autres exemples nous montrent comment le grand capital est aux commandes depuis longtemps. Le premier est l'allongement démesuré du temps du travail jusqu'à 65 heures par semaine pour augmenter pour satisfaire selon l'expression de Marx la boulimie du capital affamé de surtravail. Le deuxième exemple est l'existence en Europe de 100 millions de personnes vivant avec moins de 800 euros par mois et qui sont les victimes directes des politiques fondées sur le principe d'un « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » proclamé dans le traité établissant une constitution pour l'Europe.

Le stratagème de Sarkozy pour détourner le vote du NON français et les tractations actuelles pour faire de même du Non irlandais doivent faire réfléchir plus d'un et surtout tous ceux qui nous rebattent les oreilles avec leur discours stéréotypé sur le démocratie et les droits de l'homme. Ce n'est pas en jetant un chiffon de papier dans l'urne que l'on ce croit vivre dans une démocratie. Contrairement aux apparences, ceux qui commandent dans les démocraties occidentales, ce ne sont ni les peuples ni leurs représentants, ni les gouvernements ni les opinions publiques mais les détenteurs de la Propriété capitaliste. Les mass médias et la périodicité des échéances électorales laissent à penser que ce sont les hommes politiques qui gouvernent les démocraties occidentales. On nous dit que la démocratie, c'est l'alternance où la majorité d'aujourd'hui sera la minorité de demain et vice versa. On nous dit aussi que le pouvoir dans les sociétés actuelles est dilué en une myriade de pouvoirs cachés et informels, des pouvoirs partagés entre différents sphères et acteurs, sphère politique, société civile, consommateurs, associations etc. Or ces pouvoirs dilués, partagés, éclatés relèvent de quelques utopies et de quelques illusions sur le pouvoir. La réalité du Pouvoir dans les démocraties occidentales repose pour l'essentiel sur la réalité même des multiples rapports du Pouvoir et de la Propriété. Le Pouvoir de la Propriété capitaliste se donne rarement à voir, il décide tout simplement et détermine quels pouvoirs pourront s'exercer et pourquoi faire. On nous décrit souvent comment les pouvoirs s'exercent mais non pourquoi ils s'exercent ainsi. Les pouvoirs de la propriété ne sont pas matérialisés dans le seul régime juridique de la propriété privée mais ils forment ce que Michel Foucault appelle la « microphysique du pouvoir ». Les pouvoirs de la propriété s'étendent à l'ensemble de la vie pratique, le logement, le transport, le travail, la culture, la formation, la presse, la vie de la culture etc. En un mot, la Propriété capitaliste conditionne tous les autres pouvoirs et détermine leurs propriétés intrinsèques. Si le grand capital ne se donne pas trop souvent à voir et ils n'aime pas trop exhiber son Pouvoir, il arrive parfois à se montrer fort coriace surtout quand les processus politiques contrarient ses stratégies hégémoniques ou freinent ses ambitions mercantiles. Dans ce cas là, le grand capital n'a pas d'états d'âme, car il peut choisir n'importe quel régime politique, le fascisme, la démocratie ou la dictature, pourvu qu'il lui assure les conditions optimales pour prospérer, s'accumuler et s'amasser. C'est pourquoi les bulletins de vote des électeurs français, hollandais et irlandais sont comme dans le combat entre David et Goliath, des simples chiffons de papier face au Pouvoir hégémonique du grand capital.

FAOUZI ELMIR

Mots-clés : Ireland, Europe, rejet du référendum.

 

 

 

 

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