LE MYTHE DE LA LIBERTE D'EXPRESSION ET D'INFORMATION DANS LES DEMOCRATIES LIBERALES

Publié le par ELMIR

 

LE MYTHE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET D'INFORMATION DANS LES DÉMOCRATIES LIBÉRALES

 

Sommes-nous libres de dire et d'écrire n'importe quoi et n'importe quand? Sommes-nous libres de s'informer et d'être informés? Il y a indéniablement dans les démocraties occidentales des lois qui garantissent à tout un chacun la liberté d'expression. Il y a aussi la liberté de la presse, c'est-à-dire d'informer et de s'informer proclamée par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. La liberté d'expression et d'information considérée comme une liberté publique indiscutable existe formel lent et s'exerce réellement dans les manifestations de rue et lors des élections. Si l'on cherche cependant à approfondir cette question, on se rend compte que la liberté d'expression et d'information est plus formelle que réelle à cause du monopole exercé par le pouvoir économique sur l'ensemble des moyens de communication de masse(grandes entreprises de presse, journaux, revues). Ce qui rend hautement problématique la question de la libre d'expression et d'information dans les démocraties libérales. .

 

ORIGINE D'UNE NOTION

 

La notion de liberté d'expression renvoie historiquement à l'émergence d'un espace public bourgeois opposé aux pouvoirs monarchiques. La première manifestation de la liberté d'expression a été la création en Angleterre d'une Presse libre dans laquelle les partis de l'opposition, les Whigs et les Tories, exprimaient publiquement leurs doléances et leurs revendications politiques. Les premiers journaux des Whigs et des Tories étaient la Review fondée par Defoe, l'Observator par Tutchin et l'Examiner par Swift. A la fin du règne de la reine Anne, les Whigs lancèrent le British Merchant et dès leur arrivé au pouvoir sous le règne de George I, ils acquirent en 1722 le London Journal, l'organe de presse le plus influent du moment. Defoe fut le premier journaliste professionnel à soutenir la cause des Whigs en publiant non seulement des pamphlets mais en fondant des journaux. Sous l'égide de Bolingbroke, les Tories firent paraître simultanément le Gulliver de Swift, la Dunciade de Pope et les Fables de Gay. Avant son exil en France, Bolingbroke lança le premier numéro de sa revue Craftsman suivie du Gentlemen's Magazine à l'origine d'une véritable presse libre et critique vis-à-vis de la monarchie anglaise. Cet exemple anglais allait inspirer d'autres pays européens et les premiers promoteurs d'une Presse politique libre en France étaient les physiocrates groupés autour de Quesnay, de Turgot et de Mirabeau qui avaient créé la Gazette du Commerce et le Journal de l'Agriculture, du Commerce et des Finances. En Allemagne et dans les autres pays du continent, des journaux politiques libres et indépendants furent aussi leur apparition pour soutenir la cause de la bourgeoisie dans sa lutte politique contre les monarchies régnantes de l'époque. Ce qui a facilité la création d'une presse libre, ce sont également des raisons d'ordre public visant à contrôler les auteurs des complots et de tout ce qui se tramait dans les coulisses. C'est dans ce but qu'au cours des années soixante-dix du XVIIe, le gouvernement anglais avait décidé de supprimer la censure pour rendre publiques les discussions dans les cafés et les salons considérés alors comme des foyers d'agitation politique. Le Licensing Act de 1695 supprima la censure préalable tout en soumettant la Presse au droit de timbre prévu par la Law of Libel de 1712.

 

PLURALISME POLITIQUE EN TROMPE-L'OEIL

 

Dans la typologie des régimes politiques, les critères qui différencient la démocratie libérale des dictatures et des régimes autoritaires sont la liberté de la presse et la liberté d'expression qui favorisent « la multiplicité et la variété des discours(aussi bien ceux du café du commerce que des journaux les plus sophistiqués)... liberté de création qui nécessité le développement de l'information, de l'éducation et de la culture et la prolifération des genres littéraires et artistiques comme des médias pouvant assurer leur diffusion et leur transmission »(Eugène Enriquez, de la horde à l'État, essai de psychanalyse du lien social, paris, Gallimard, 2003.p.430) Il est indéniable qu'il existe dans les démocraties libérales, une pluralité de discours, mais pluralité de discours signifie-t-elle pluralisme politique? On ne peut qu'en douter, car le pluralisme des opinions politiques est menacé par des mass medias qui sont contrôlées en général dans les États de démocratie libérale par des grands groupes de presse, comme en France par deux marchands d'armes (Dassault et Lagardère). Il y a des partis d'opposition comme les partis socialistes qui n'ont plus aucun rapport avec le socialisme mis à part le nom, mais ces partis ne peuvent plus être considérés comme des véritables forces d'opposition proposant des alternatives politiques au système capitaliste en place et ils ne font peur désormais ni aux bourgeoisies indigènes ni aux autres pays capitalistes. Le parti socialiste français a mené à côté de la droite une campagne pour le ratification du traité constitutionnel européen en 2005 et ses représentants sont fortement présents dans l'espace médiatique au même titre que les hommes politique de droite. Ils remplissent sur l'échiquier politique une fonction purement tribunitienne, un terme employé jadis par Georges Lavau pour le parti communiste qui se contente de critiquer et d'exprimer des aspirations sans réelle force de changement dans la société. Les socialistes français se sont même offert après l'élection de Sarkozy le luxe d'envoyer un des leurs Dominique Strauss Kahn, à la direction du Fonds monétaire le FMI, bastion du capitalisme international et l'étrangleur des pays du tiers-monde. Le dernier véritable socialiste du XXe siècle était Salvador Allende liquidé comme on le sait par la CIA pour avoir commencé à redistribuer des terres aux paysans pauvres et à nationaliser certains secteurs vitaux comme les banques et les mines de cuivre.

 

Il est vrai par ailleurs que l'on entend à la radio et à la télévision des représentants des partis contestataires du système capitaliste reconnaissables à leur sémantique marxiste tels que capital, profit, lutte des classes etc. Mais leur présence dans les mass medias est une parodie du pluralisme politique, dès qu'ils commencent à parler commencent à parler de capitalistes, de classes sociales, de luttes de classes et de profit, ils sont aussitôt interrompus pour rendre leur message incompréhensible et inaudible. Ces partis que l'on peut qualifier d'extrême gauche font leur apparition passagère quelques jours avant les échéances électorales pour retomber ensuite dans l'anonymat avant de réapparaître cinq ans ou six ans plus tard. Tout le monde peut s'accorder que ce n'est leur présence médiatique quelques minutes ou quelques heures tous les cinq ou six ans qui va permettre leurs idées et leurs opinions audibles du commun des mortels comme ce ne sont pas les quelques hirondelles qui font le printemps. Du point de vue de gain politique, leur discours se révèle à bien des égards contreproductif car il n'exerce aucune influence sur l'opinion publique et il n'a aucune chance à terme de concurrencer les discours des partis politiques traditionnels. Dans ces conditions, la liberté d'expression dans les démocraties démocraties s'apparente plus à un pluralisme en trompe-l'oeil qu'à l'expression d'un vrai pluralisme politique et idéologique avec des vrais protagonistes sur l'échiquier politique en train d'affronter leurs opinions idéologiquement dans un débat véritablement pluraliste. Pour qu'il y ait un vrai pluralisme, il faut que toutes les forces sociales disposent des mêmes armes pour confronter leurs idées et leurs opinions. Ce qui n'est pas le cas dans les démocraties libérales où seuls les capitalistes détiennent les moyens financiers qui leur permettent d'acheter des grandes entreprises de presse, des journaux et la totalité des moyens de communication de masse pour mener efficacement leur propagande. Cette concentration des sources d'information entre les mains des capitalistes entraîne l'homogénéisation et l'unification des sources d'information. C'est à quoi nous assistons aujourd'hui dans les démocraties occidentales, ce n'est pas vraiment à un vrai pluralisme politique et idéologique avec des discours à contenus variés et variables, c'est plutôt un pluralisme en trompe-l'oeil qui fait croire à l'existence d'une pluralité de discours qui ne font que répéter en définitive la même chose mais avec des mots et des termes différents d'un discours à un autre.

 

Si ce pluralisme politique et idéologique n'existe pas dans la réalité, cela est dû à l'existence d'une seule classe sociale qui détient le monopole de la propagande dans les démocraties libérales. La classe capitaliste qui, grâce à sa mainmise sur les moyens de communication de masse, est la seule force sociale et politique capable de manipuler le psychisme des masses pour l'orienter vers la défense de ses propres intérêts au détriment de ceux des classes dominées. Les forces politiques et sociales qui cherchent à réformer les structures sociales et économiques dans le sens de leurs intérêts se révèlent incapables pour une raison très simple, elles ne peuvent pas mener leur propre propagande faute de moyens financiers suffisants, car l'organisation d'une telle propagande coûte tellement cher qu'elle reste hors de leur portée. Le monopole de la propagande par les capitalistes donne un avantage idéologique certain aux forces conservatrices dans la société et rend par conséquent illusoire le pluralisme politique et la lutte des classes à cause de l'inégalité des armes entre les différents protagonistes. Si les forces de changement dans la société capitaliste ne possédaient pas sa propagande propagande pour lutter à armes ses propres armes pour lutter à armes égales contre celle de la bourgeoisie et des capitalistes, elles ne pourraient jamais faire bouger les choses et elles se contenteraient et n'obtiendraient au mieux que quelques miettes(petites augmentations de salaires de quelques centimes d'euros par mois tous les ans). C'est pourquoi la participation de ces partis contestataires aux joutes électorales est stérile politiquement, car leurs discours et leurs mots d'ordre sont aussitôt neutralisés et annihilés par la seule et puissante propagande, celle qui défend les intérêts du capital. Mais si cette propagande est puissante et efficace, c'est parce qu'elle est totale et permanente, et qu'elle agit, grâce à la répétition et au martelage, beaucoup plus efficacement sur les esprits des masses. Pour qu'une propagande produise les effets escomptés, il faut de la répétition et du martelage permanent et continu pour former les réflexes conditionnés. Sans une propagande qui martèle et répète les mêmes mots et les mêmes images 24/24 H, point de propagande. Les partis communistes qui voulaient conquérir pacifiquement le pouvoir politique sans se doter préalablement d'une propagande propre aussi puissante que celle de la bourgeoisie en ont fait l'amère expérience et ils ont quasiment disparu du paysage politique dans les sociétés capitalistes.

 

L'absence de pluralisme politique dans les États de démocratie libérale a pour conséquence l'émergence d'un discours dominant qui dicte sa loi sur tous les autres discours qui ne sont là que pour la simple figuration. Car, parler, ce n'est jamais dire et prononcer des mots innocents, parler, c'est avant tout détenir le pouvoir de parler et seuls les détenteurs de pouvoir dans nos sociétés peuvent non seulement parler mais joindre l'acte à la parole. Parole et pouvoir sont donc des vieux compagnons de route, car, là aussi, le détenteur de pouvoir est non seulement l'homme qui parle mais il est le seul à détenir la source de la parole légitime. Il est impossible de concevoir un pouvoir sans parole et parole sans pouvoir. S'il l'on résume le fond de notre pensée, nous disons que le pluralisme dans les démocraties libérales, c'est de la poudre aux yeux, souvent mis en avant et orchestré pour masquer la vraie source de tout pouvoir dans nos sociétés actuelles, qu'est le pouvoir de la propriété qui détermine les propriétés de tous les pouvoirs et le seul langage que tolère ce pouvoir capitaliste est celui des onomatopées.

 

Trois exemples nous montrent les utopies et les illusions de la liberté d'expression dans les démocraties libérales. nous prenons trois exemples. Le premier est le tabou qui entoure certains thèmes qui font débat. Qui peut aujourd'hui parler et non pas discuter en France, en Europe et dans le monde occidental de l'holocauste pendant la Deuxième Guerre mondiale sans tomber sous le coup de la loi ? On a vu comment les Faurrisson et les David Irving ont été traînés devant les tribunaux et condamnés à la boucler pour négationnisme. Le deuxième exemple est tout récent, celui de la révocation de Bruno Guigue de son poste de sous-préfet à Saintes pour avoir tout simplement exercé son droit de réponse à un article publié dans le journal le Monde signé par des individus favorables à la politique répressive israélienne dans les territoires occupés. Un dernier exemple datant des années cinquante du siècle dernier est celui du macartysme aux États-unis, une doctrine manichéenne visant à pourchasser les méchants communistes considérés comme l'incarnation du mal. Rappelons tout simplement pour mémoire quelques conséquences du macartysme. C'était la chasse aux américains soupçonnés de sympathie pour les idées communistes. Après avoir proclamé sa croisade anticommuniste, Truman fit passer un décret exigeant que 2 500 000 fonctionnaires du gouvernement fédéral passent un nouvel examen de sécurité. Quand Truman signa le décret, il ne s'appliquait qu'à 2 500 000 employés gouvernementaux mais il fut bientôt étendu sous Eisenhower à 3 millions de membres de forces armées et à 3 millions d'employés de firmes bénéficiant de contrats militaires. Il y avait 8 millions d'Américains en permanence sous la surveillance du FBI et sous la menace d'avoir à prouver leur propre loyauté. Si l'on compte les familles de ces 8 millions, ce sont environ 20 millions de citoyens américains qui faisaient l'objet d'enquête à tout moment.

 

INFORMATION NEUTRE OU INFORMATION ALIÉNANTE ?

 

Nous, citoyens, sommes-nous bien informés et savons-nous par qui nous sommes informés? Pour répondre à cette question, il faut rappeler d'emblée quelques vérités à propos de l'information dans nos sociétés actuelles. L'information est d'abord et avant tout une marchandise comme toute autre marchandise soumise à la loi de l'offre et de demande. L'information a aussi un coût de production qui est tellement élevé et prohibitif qu'il en dissuade plus d'un et que seuls finalement les détenteurs des capitaux peuvent se permettre de tels investissements. C'est parce que l'information est une marchandise que son contenu ne peut être neutre socialement et politiquement quand on sait que l'entreprise chargée de le produire et de le diffuser n'a pour seul et unique souci que de le vendre sur le marché. C'est pourquoi l'information aujourd'hui véhicule un contenu aliénant c'est-à-dire un contenu destiné moins à satisfaire une curiosité intellectuelle et un besoin de s'informer et d'être informé qu'à modifier la posture psychique de ses destinataires qui n'en sont par ailleurs ni les maîtres ni le pouvoir d'en discuter le bien-fondé. Être informé dans une société libérale et capitaliste, ne signifie nullement choisir d'abord entre plusieurs informations et exercer ensuite son esprit critique ou sa raison comme le croyaient les philosophes du siècle des Lumières. Être informé aujourd'hui, c'est être conditionné et manipulé mentalement et psychologiquement, car, l'information est devenue la condition même de la propagande. L'information diffusée dans le public n'est jamais choisie au hasard si elle ne sert pas de matière première à l'élaboration des thèmes de la propagande. Prenons la liberté d'information aux USA, dans cette plus « grande démocratie du monde ». Comment peut-on expliquer le soutien de la majorité des Américains à l'invasion de l'Irak par l'administration Bush? Les Américains sont-ils un peuple militariste ou un peuple manipulé par la propagande menée par des médias détenus et contrôlés par des grands groupes de presse à la solde de la politique impérialiste des USA ? Quand on a plusieurs sources d'information et plusieurs contenus différents, on peut certes toujours se tromper dans ses choix mais on garde tout de même un minimum de jugement critique pour pouvoir choisir la solution la moins pire. Si la majorité des Américains a approuvé la décision de Bush de faire sa guerre à l'Irak sous prétexte de l'existence des armes de destruction massive, l'approbation de l'opinion publique américaine pour envahir l'Irak est due à la manipulation par les grandes chaînes de télévision(ABC, CBS, NBC, CNN, FOX NEWS). Ce sont en réalité ces chaînes de télévision qui ont fait office de direction centrale de la propagande orchestrée par le gouvernement et les services des renseignements pour forger une opinion publique favorable à la guerre en Irak. Pour orienter cette opinion publique, la presse et les grandes chaînes de télévision ont dû procéder à la méthode de la répétition et du martelage pour former les réflexes conditionnés en ne diffusant dans l'espace public que des informations susceptible de créer une cristallisation psychologique(le dictateur Saddam, armes de destruction massive, terrorisme etc).

 

Il n'y a pas que de la manipulation de l'information aux USA, il y a aussi de la censure. Un organisme spécialisé dans la censure aux USA publie un rapport annuel recensant les principales informations censurées. Dans le dernier rapport de cet organisme, on apprend par exemple qu'après l'invasion de l'Irak, les journalistes américains avaient reçu des instructions provenant des instances gouvernementales pour imputer l'absence d'armes de destruction massive à des erreurs commis par les services des renseignements au lieu d'interpréter la guerre comme une guerre planifiée à l'avance et le résultat d'une stratégie américaine préalablement établie pour mettre la main sur les puits du pétrole irakien. Un autre fait évoqué dans cette étude est une information concernant la société Haliberton qui a fourni du matériel nucléaire à l'Iran mais une information censurée dans la presse pour ne pas compromettre le vice président américain dans cette vente. Prenons un autre exemple qui concerne non pas la censure ou la rétention de l'information mais sa manipulation. Le New York Times publie le 30 mars 2008 un article consacré à la mort du photographe d'origine cambodgien, Dith Pran à l'âge de 65 ans. Il y a bien de l'information dans cet article du New York Times, la mort d'un photographe qui a eu par ailleurs le droit à un longue article nécrologique. Mais là où l'information devient la matière première à la propagande, c'est la photo de Monsieur Dith Pran juché au milieu des boîtes crâniennes qui renvoient au génocide commis par le régime communiste des Kmers Rouges au Cambodge. On observe aussi à travers cet article du New York Times qu'une propagande crédible et réussie ne part jamais des faits mensongers ou hypothétiques mais à partir d'éléments objectifs qui sont destinés ensuite à être manipulés et mis en perspective pour s'intégrer dans un plan de propagande.

 

Aujourd'hui, l'information manipulée et préfabriquée à des fins de propagande ne concerne pas seulement un pays ou une zone géographique mais elle s'étend à toutes les régions du monde quand on sait que les flux d'informations continus dont sont abreuvés quotidiennement les six milliards et demi de terriens sont produits et fabriqués comme par hasard par quatre multinationales originaires toutes des grands pays capitalistes: UPI(USA), AP(USA), AFP(France), Reuter (Grande Bretagne). Face à ce monopole de la production et de la diffusion de l'information par les multinationales de l'information, les pays du tiers-monde sont plus que jamais exposés à la propagande des pays impérialistes du Nord. La résistance à l'impérialisme et à ses visées expansionnistes passe nécessairement par la maîtrise de l'information comme arme de combat et comme un enjeu politique, économique et culturel.

 

 

 

MAÎTRISE DE L'INFORMATION, ENJEU STRATÉGIQUE

 

Après la première guerre du Golfe en 1991, un nouveau concept fait son apparition, la guerre de l'information ou infowar. Ce concept est source de confusion, car il suggère l'existence des protagonistes luttant à armes égales dans cette guerre de l'information. Or, ce que l'on constate à ce jour, c'est la présence d'un seule et unique partie, en l'occurrence les Etats-unis et leurs satellites, qui maîtrise et qui manipule l'information comme bon lui semble et dans le sens de propres intérêts. La preuve de ce monopole sur le marché de l'information est donnée par la quasi exclusivité dans la production et la diffusion de l'information par quatre multinationales originaires d'Europe et d'Amérique du Nord: deux américaines(UPI et AP), une anglaise(Reuter) et une française(AFP). Pour montrer la puissance politique et idéologique de ces multinationales de l'information, il suffit d'évoquer le cas de Salvador Allende qui, afin de contrecarrer la propagande américaine, avait procédé à la fermeture de l'agence UPI à Santiago. Cette décision avait alors suscité une levée de bouclier et une vive polémique sur la liberté de la presse et de la liberté d'expression. Finalement, l'interdiction dut être annulée 48 heures plus tard. Cet exemple montre que non seulement les pays du tiers-monde sont dépendants de ces quatre multinationales de l'information, mais la plupart de leurs programmes de télévision est importée des pays capitalistes qui contrôlent la quasi totalité de la production des feuilletons télévisés, des films des longs métrages, du commerce des livres, des revues, des disques et de la publicité. On constate que le système de circulation des produits culturels et de l'information est toujours à sens unique, comme d'habitude du Nord au Sud.

 

Quand on aborde la question du sous-développement des pays du tiers-monde et leur dépendance économique, il est impossible de faire l'impasse sur leur dépendance à l'égard du marché mondial de l'information et des produits culturels. Cette question de la maîtrise de l'information par les États du tiers-monde ne date pas d'aujourd'hui puisqu'elle remonte à plus de trente ans quand un séminaire fut organisé à Mexico, du 24 au 28 mai 1976, pour débattre du rôle de l'information dans le nouvel ordre économique international. Les participants à ce séminaire avaient alors souligné la nécessité de relier les problèmes économiques et les problèmes de l'information et certains intervenants avaient fourni des données montrant que les 16 États d'Amérique latine étaient dépendants de deux agences de presse qui leur fournissaient 60% des informations reçues. De toute évidence, les messages et les images véhiculés dans la publicité, les feuillons, les films, les reportages, les jeux, les dessins animés etc suscitent chez la jeunesse des pays du tiers-monde des fantasmes et des rêves qui la poussent à rechercher cette image idyllique de l'Occident, de cet american ou du french way of life en s'aventurant sur des barques de fortune et très souvent au mépris de sa vie. Les multinationales de l'information occidentales ne créent pas seulement des frustration et de fantasmes chez la jeunesse des pays du tiers-monde, elles provoquent aussi dans les Etats dont elles sont originaires, des sentiments de rejet et de haine qui se manifestent à travers l'ethnocentrisme, l'occidentalocentrisme, le racisme et la xénophobie qui, récupérés par des partis politiques indigènes, seront exacerbés et manipulés à des fins électorales. Les multinationales de l'information ne sont pas étrangères à la montée des partis d'extrême droite en Europe qui amputent les malheurs des populations occidentales à l'immigration du Sud en occultant en passant les responsabilités de leurs propres gouvernements. Par exemple, après la crise du pétrole de 1973, les médias occidentaux avaient rendu responsables les pays producteurs du pétrole de la crise économique des pays consommateurs du pétrole alors que la hausse du prix du pétrole décidée à l'époque par l'OPEP n'était pour rien si ce n'est une simple opération de rattrapage et de réajustement de prix.

 

Depuis la première guerre du Golfe, les Arabes ont commencé à prendre conscience de l'enjeu stratégique de l'information. Pendant cette première guerre du Golfe, c'est CNN qui détenait le monopole de la diffusion des informations sur les opérations militaires au Koweit et sur le sol irakien. Le projet de fondation d'une chaîne d'information arabe pour faire contrepoids aux chaînes d'informations occidentales commençait alors à germer et c'est la création en 1997 d'une première chaîne arabe, AL-Jazira qui constitue aujourd'hui la principale source d'information pour le monde arabo-musulman. Cette chaîne a su grâce notamment à son professionnalisme, opérer un certain équilibre dans la manière de traiter l'information et elle apporte un autre regard sur l'actualité arabe et internationale.

 

Un autre exemple de cette prise de conscience de l'enjeu de l'information est la rencontre organisée tout récemment à Caracas au Vénézuela du 27 au 30 mars, par les pays d'Amérique Latine une rencontre latino-américaine contre le terrorisme médiatique (Encuentro Latinoamericano contra el terrorismo mediaditico). La déclaration finale de cette rencontre insiste sur la nécessité pour les agences d'informations des pays d'Amérique latine de lutter contre les agences d'informations des pays impérialistes (source ABN, Agencia Bolivariana de Noticias)

 

FAOUZI ELMIR

 

Mots-clés: liberté d'expression, liberté d'information, propagande, pluralisme, multinationales de l'information

 

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