LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE PREVENTIVE

Publié le par ELMIR

LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE PRÉVENTIVE

 

Il y a en ce moment des signes qui ne trompent pas. C’est le début d’une vaste guerre psychologique visant à intimider les adversaires d’un système capitaliste qui vit ses derniers jours. Des troubles, des révoltes et des contestations vont apparaître et ils vont s’amplifier au point de déboucher sur des révolutions dans tous les Etats capitalistes. En prévision, depuis le début de la crise, les appareils répressifs travaillent d’arrache-pied pour mettre au point des plans d’urgence et des scénarios pour contrecarrer émeutes et révolutions populaires. Selon des informations rapportées des Etats-Unis, les plans anti-émeutes sont déjà prêts pour parer à tout dérapage. En  France, le retour de Jean-Marc Rouilhan, ancien dirigeant d’Action Directe qui a passé plus de vingt ans en prison, suite à une interview dans l’hebdomadaire l’Express et la surmédiatisation du sabotage des lignes de la SNCF par un groupe « d’activistes politiques et de politisés » selon l’expression du procureur de la République de Paris, Monsieur Marin, sont autant de signes qui laissent entrevoir qu’une véritable guerre psychologique est engagée pour prévenir les troubles et l'atteinte aux fondements de l’ordre établi.

 

Cette guerre psychologique préventive répond à une situation sociale qui va devenir de plus en plus explosive. Les contestations estudiantines s’amplifient dans toute l’Europe, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Grèce et bientôt en France avec des dizaines et des centaines de milliers de lycéens et d’étudiants qui protestent contre la politique de privatisation de l’éducation nationale. Les spectre de Mai 68, quarante ans après ces événements continue à planer avec les contestations d’étudiants et de lycéennes dans toute l’Europe et dans un contexte de crise idéologique et de débâcle économique et financière. A vrai dire, tous les ingrédients sont réunis pour déboucher sur une explosion sociale généralisée.  A présent, ce qui préoccupe le plus les Etats-Unis et l’Europe, c’est moins la guerre au terrorisme que les explosions sociales qui couvent.

 

En ligne de mire de la guerre psychologique préventive, ce ne sont pas ces révolutionnaires d’opérette genre Besancenot et Cie dont l’anticapitalisme n’est qu’une simple formule ronflante mais tous les spoliés du système capitaliste. ce ne sont pas non plus qui renforcent le système en place au lieu de le détruire en le poussant à renforcer encore un peu plus sa politique sécuritaire et ses appareils répressifs existants. Très souvent, lors des manifestations étudiantes, des policiers se transforment en casseurs et en fauteurs de troubles pour augmenter d’un cran la répression contre les manifestants. Les individus les plus dangereux pour l’ordre capitaliste, ce ne sont pas les gauchistes et les « ultra-gauche » mais ceux qui ne veulent pas se soumette à l’exploitation capitaliste.

 

BUT ET TECHNIQUES DE LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE

 

Souvent la guerre psychologique est appelée guerre de l’information ou infowar en anglais. Qu’elle soit une guerre psychologique ou une guerre de l’information, le but est le même : modifier la posture psychique des auditoires cibles, agir sur les esprits pour orienter l’action des hommes dans un sens et pas dans l’autre. La guerre psychologique peut être utilisée comme une stratégie soit par le pouvoir politique soit par l’institution militaire. La différence réside dans le fait que la guerre militaire vise à vaincre l’ennemi alors que la guerre psychologique a pour but la persuasion et la conviction.

 

Les premières techniques de la guerre psychologique ont été utilisées aussi bien par les régimes fasciste et nazi que par les démocraties occidentales pour conquérir les masses. Pendant la deuxième Guerre mondiale, dans leur guerre contre le nazisme, les Alliés ont utilisé les mêmes techniques. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que les techniques de la guerre psychologique deviennent de plus en plus sophistiquées à cause de la lutte idéologique entre les Etats capitalistes de l’Ouest et les régimes communistes de l’Est. Après la disparition du bloc communiste, ce sont les mêmes techniques qui ont été utilisées dans la guerre contre le terrorisme et les réseaux islamistes.  

 

Les techniques de la guerre psychologique sont le résultat d’une mise au point et la préparation minutieuse d’un plan de campagne faisant appel à des mots, des images et des sons qui ont pour but de créer des réflexes conditionnés, de modifier nos impressions, nos attitudes, nos comportements vis-à-vis d’un homme, d’un groupe ou d’un système politique et idéologique et de tromper l’adversaire en sapant son moral. A cet égard, le journaliste peut être considéré comme le soldat de la guerre psychologique.

 

La technique la plus importante et la plus déterminante dans toute guerre psychologique est celle de savoir comment atteindre les auditoires cibles pour les influencer. Nous employons auditoires au pluriel pour signifier que toute guerre psychologique comprend non pas une seule et unique cible mais plusieurs auditoires cibles. D’ailleurs, la cible apparente et visible n’est jamais la cible finale ; elle est là tout simplement à une fin de figuration et de mise ne scène pour atteindre d’autres auditoires cibles. Il y a d’abord la cible apparente que l’on peut voir et entendre. Mais derrière la cible visible et entendue, se cachent d’abord l’auditoire cible final qui est le public réel mais aussi un auditoire cible intermédiaires et bien d’autres auditoires cibles cachés. L’auditoire cible intermédiaire apparaît dans ses rapports de proximité politique, idéologique, économique et social avec l’auditoire cible final. Plus l’auditoire cible intermédiaire est large plus la guerre psychologique est efficace. Pour optimiser les ressources mobilisées dans le plan de campagne de la guerre psychologique, il faudrait atteindre d’autres auditoires cibles qui se trouvent à l’état latent mais qui pourraient être réactivés par ricochet.

 

Prenons quelques exemples de techniques de la guerre psychologique. Pour conquérir le pouvoir en Allemagne, Hitler utilisait deux techniques distinctes mais complémentaires : la propagande et l’organisation. Hitler faisait en effet la distinction entre la fonction de l’organisation et celle de la propagande : la tâche de la propagande consiste à s’attirer des adeptes alors que celle de l’organisation est de capter des partisans et des affiliés au parti. Outre les propagandistes, le parti nazi formait aussi des organisateurs, appelés « Front au travail » dont la mission est d’utiliser la technique de la suggestion pour atteindre les couches  sociales apolitiques, des électeurs indécis et volatiles. Au sein du parti nazi, il y avait donc deux formes de propagande : celle qui s’adresse aux 10% des Allemands et l’autre au 90% de la population allemande constituée de passifs et d’indécis qui peuvent constituer des électeurs et des supporters potentiels grâce à la propagande émotionnelle des organisateurs. La propagande émotionnelle s’adresse comme son l’indique aux vise à exciter les cordes sensibles de l’âme et à révéler le fonds  instinctif en utilisant divers moyens et supports comme les couleurs des drapeaux, les chants patriotiques, les danses érotiques sublimés, les airs populaires, les figures esthétiques de femmes, les groupes en procession, les fleurs, les uniformes, la musique militaire et folklorique nationale, les slogans « Deutschland über alles »(l’Allemagne au-dessus de tout » ou « Hitler über Deutschland (Hitler au-dessus de l’Allemagne ). Hitler et Goebbels ne laissaient d’ailleurs rien au hasard car toute manifestation publique était savamment  bien préparée pour toucher les indécis et les sans opinions. Les heures du soir étaient le moment privilégié et le plus favorable pour gagner des partisans et des électeurs potentiels.

 

Aux Etats-Unis, Roosevelt met en œuvre les techniques de la guerre psychologique pour mener sa campagne présidentielle dans les années 1920 en organisant des cortèges et des parades carnavalesques et en utilisant des pancartes,  des chars, des symboles vivants- éléphant et âne(républicain et démocrate), des filles majorettes, des confettis, des tourbillons de feuilles de papier pleuvant du haut des gratte-ciels, le tout ponctué d’un vacarme assourdissant des orchestres, des cris et des klaxons. Roosevelt avait utilisé la propagande émotionnelle pour le New Deal en 1923 en organisant un cortège dans les rues de New York comptant 255 000 participants avec 200 orchestres ; pour lancer sa propagande, Roosevelt fit appel à 1 500 000 agitateurs volontaires.

 

Aujourd’hui, ce sont les mêmes techniques de la guerre psychologiques que l’on retrouve dans les mass medias, dans les informations quotidiennes continues et dans les émissions de la Show reality qui présentent des chômeurs en détresse, des surendettés, des pauvres. Bien qu’elles nous présentent des vrais chômeurs, des vrais pauvres et des vrais SDF, et des restaurants du Cœur qui constituent la cible apparente, toutes ces personnes sont là pour faire de la figuration car ce qui est visé par la guerre psychologique, c’est l’auditoire cible final qui est le monde du travail auquel on cherche à faire peur pour que les salariés acceptent n’importe n’importe quel salaire même un salaire de misère sous peine de finir comme les chômeurs, les pauvres et les sans-abri montrés dans les émissions de la reality show. Les actualités judiciaires et policières font partie des techniques de la guerre psychologique dans la mesure où elles présentent des délinquants et des criminels en sang et en chair mais l’auditoire cible final, ce sont tous ceux qui sont tentés de commettre des actes délictueux ou des actes criminels.  Pour dissuader les terroristes de commettre des actes de terrorisme, les autorités policières organisent des mises en scène avec la complicité des mass medias faisant croire à des attentats déjoués au « dernier moment ». Pour prévenir d’autres attentats sur le sol anglais après ceux de juillet de 2005, la police anglaise organise à intervalles réguliers une mise en scène médiatique en faisant croire à l’opinion publique la découverte et la mise en échec d’attentas terroristes en cours de préparation. Il en est ainsi en Allemagne et en France avec les militants de l’ETA et le soit-disant démantèlement de l’organisation autonomiste espagnole. Cette technique de guerre psychologique est une forme de guerre contre les terroristes et elle permet à la police de prévenir des éventuels actes terroristes. Cette simulation d’actes terroristes en préparation et leur échec donnera après-coup une image d’efficacité de la police et des services de renseignements.

 

Le cas des saboteurs des lignes de la SNCF est une technique de la guerre psychologique. Pendant quelques jours, les mass medias matraquent l’opinion publique avec des actes de sabotage sur les lignes de la SNCF dans le but de lui faire peur. Quelques jours plus tard, on arrête comme par hasard des jeunes présentés comme les auteurs présumés du sabotage qui ont occupé l’espace médiatique avec des directs du palais de justice, de mise en examen, d’interrogatoires pour faits de terrorisme, puis des peines allant jusqu’à 20 ans. Il n’existe par ailleurs aucune preuve matérielle susceptible de corroborer la thèse du sabotage des lignes de la SNCF. Tout ce que les enquêteurs ont trouvé, ce sont des écrits sur l’infrastructure ferroviaire en France et leur présence à côté d’une gare SNCF. Quelles sont les preuves matérielles de leur implication ? Aucune. En réalité, nous sommes dans le cadre d’une véritable guerre psychologique et ce groupe de saboteurs présumés n’est que la cible apparente, car ce qui est visé au-delà de ce tapage médiatique, c’est l’auditoire cible intermédiaire, c’est-à-dire, tous les groupuscules gauchistes qualifiés d’anarcho-autonomes qui se disent anticapitalistes. Mais au-delà de cet auditoire cible intermédiaire, il y a un auditoire cible final, celui formé de toutes les victimes actuelles et potentielles d’un système (chômeurs, pauvres, exclus etc.) qui engendre par la force des choses ses propres fossoyeurs. La guerre psychologique préventive peut en effet impressionner momentanément certains groupes mais elle n’empêchera jamais l’explosion de la marmite sociale.

 

Avec l’aggravation de la crise actuelle et les conséquences sociales qui en découlent, la guerre psychologique va s’intensifier dans les mois à venir et elle réussira à intimider psychologiquement tous ceux qui seront tentés tant soit peu par la révolte contre l’ordre établi. La question est de savoir pour combien de temps.

 

 

FAOUZI ELMIR

 

Mots-clés : guerre psychologique, techniques.

 

Publié dans GUERRE PSYCHOLOGIQUE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article