QU'EST-CE QUE L'IMPERIALISME ?

Publié le par ELMIR

 
QU’EST-CE QUE L’IMPERIALISME ?
(PREMIERE PARTIE)
 
« Les anciennes puissances impérialistes n’avaient plus intérêt à contrôler du dedans les anciennes colonies, mais bien à les aider à se développer et à substituer à une présence visible un gouvernement invisible, celui des grandes banques : Fonds monétaire International, Banque mondiale etc. Les peuples colonisés ont pu ainsi se débarrasser des colons, mais ni de l’impérialisme, ni de certains traits du colonialisme » Marc Ferro, le livre noir du colonialisme, pp 32-33
 
L’impérialisme n’est pas une simple conjoncture ou un phénomène politique ou économique marginal; C’est un système, une structure dont les éléments ont été mis en place durant les deux dernières décennies du XIXe siècle et dont le monde actuel subit quotidiennement les conséquences les plus ravageuses. La polarisation entre les pays du Nord et ceux du Sud n’est pas une fatalité humaine ou surnaturelle; elle est le produit naturel du système impérialiste. La pauvreté, la faim et le sous-développement chronique dans le monde et dans les pays appelés honteusement sous-développés et dernièrement des pays émergeants sont les retombées inéluctables induites par la logique de fonctionnement de l’impérialisme. Un esprit humain normalement constitué ne peut pas imaginer que des pays dont les sous-sols regorgent de tant de richesses et de ressources naturelles s’appauvrissent jour après jour et dont les populations meurent quotidiennement par centaines de milliers à cause de la faim et de la misère. Les quelques pays profiteurs de ce système économique et politique inique, aidés dans leurs stratégies de brouillage des esprits et dans leur sale besogne par une intelligentsia opportuniste qui accepte de ramasser les quelques miettes laissées par leurs maîtres après leur passage sur leur table de festin, vont se réveiller un jour de leur sommeil dogmatique et découvrir ce que réellement veut dire le mot impérialisme. N’en déplaise à tous ceux qui abhorrent l’isme dans le mot impérialisme, l’impérialisme n’est pas une invention de l’esprit ou une fiction politique mais une réalité quotidienne et le phénomène dominant de notre temps depuis la fin du XIXe siècle. À tous ces bien-pensants qui nient l’existence de l’impérialisme en essayant de maquiller « l’isme »du mot impérialisme par d’autres mots politiquement corrects comme globalisation ou mondialisation ou qui les considèrent comme un phénomène appartenant au passé, nous leur disons que l’occupation de l’Afghanistan et l’Irak ne date pas de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle mais ces deux pays ont été envahis et occupés respectivement en 2001 et en 2003 et la liste n’est pas encore finie, car l’Iran et le Soudan sont actuellement en ligne de mire de l’impérialisme américain et de ses alliés. Comment peut-on alors interpréter l’occupation de ces deux pays qui sont pourtant membres de l’ONU, à deux ans d’intervalles, si ce n’est pas de l’impérialisme qui avance aujourd’hui, depuis l’effondrement du bloc communiste, sans complexe et à visage découvert?
 
L’histoire politique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’acharnement des pays capitalistes à abattre le communisme en Europe et ailleurs montrent si besoin est que l’humanité toute entière est confrontée à un système destructeur à bien des égards et pour l’homme et pour l’environnement. Le caractère ravageur de l’impérialisme réside dans son enracinement profond dans les sociétés actuelles dont les structures traditionnelles économiques, sociales, politiques et culturelles avaient été détruites et remplacées par d’autres structures dépendantes et extraverties, branchées directement à la métropole capitaliste. Pour briser les reins du système impérialiste, il faudrait d’abord l’étouffer en lui coupant l’air et l’oxygène qui le font vivre, c’est-à-dire les marchés et les matières premières des pays du Sud. Et ce ne sont certainement pas les interminables tergiversations lors des conférences internationales où les participants ressemblent davantage à des marchands de tapis qu’autre chose(s’il vous plaît, baissez-moi vos tarifs douaniers d’un demi-point pour pouvoir exporter mes quelques tonnes de coton de plus), qui vont modifier les règles du jeu imposées illico par un système puissant et tentaculaire.      .
 
Si l’impérialisme a réussi jusqu’ici à surmonter ses crises et à éliminer ses concurrents communistes qui modéraient dans une certaine mesure ses appétits d’ogre dans certaines parties du monde, il n’est pas pour autant un système infaillible. Il est condamné à terme, comme toute organisation sociale et politique, sauf à faire sauter la terre entière cent fois par les bombes atomiques, à s’autodétruire et à s’effondrer comme un château de cartes sous le poids de ses propres contradictions. Peut-être pas tout de suite, peut-être dans une, deux ou trois générations, mais c’est une question de temps et la question n’est pas de savoir s’il périra ou périra pas mais quand il périra. Il faudrait peut-être trois ou quatre guerres de libération nationale et des centaines de milliers voire des millions de morts. Et ce ne sont certainement pas les politiques économiques qu’elles soient socialiste, keynésienne, libérale, néolibérale, social-démocrate etc. ni les sirènes de la propagande internationale menée tambour battant par les mass medias des États nationaux contrôlées par le grand capital, qui vont empêcher son effondrement futur. Jusqu’ici, ce qui a sauvé le système impérialiste, ce sont les deux guerres mondiales du XXe siècle et sa mainmise sur les principales sources d’énergie dans le monde. Mais, comme chacun le sait, les réserves des sources d’énergie qui ont alimentent actuellement l’impérialisme ne sont pas inépuisables et les peuples qui subissent sa loi quotidienne ne peuvent pas être constamment bernés par des stratagèmes, par des discours illusoires et par des vaines promesses sur la démocratie et les droits de l’homme. Aujourd’hui, le système impérialiste est maintenu par la force et par la violence grâce à la soldatesque américaine et au viol des masses par la propagande politique internationale, avec l’aide de ses succursales, les Etats et les gouvernements des pays du Sud. Mais il arrivera un jour où ni la force, ni la propagande internationale ne suffiront à étouffer les contradictions d’un système qui commence à se fissurer et à montrer ses premiers craquements. Le seul signe avant-coureur de la crise de l’impérialisme, faut-il le répéter, est l’augmentation exponentielle des budgets militaires, notamment américain alors qu’il n’y a plus en face l’ennemi communiste à abattre. On se demande à quoi pourrait servir toute cette accumulation d’armes de destruction massive, (ce sont les vraies ADM et non pas les pétards mouillés du régime de Saddam Hussein), si ce n’est un avant-goût des prochaines guerres impérialistes qui se préparent dans les antichambres du Pentagone pour défendre coûte que coûte, le couteau entre les dents, le moment venu, les sources d’approvisionnement en matières premières pour les multinationales des pays capitalistes quite à déclencher une troisième guerre mondiale.
 
Cela dit, malgré le brouillage médiatique, syntaxique et terminologique entourant le mot impérialisme qui a été délibérément remplacé par des termes moins irritants pour les oreilles tels que mondialisation, globalisation, le phénomène impérialiste a déjà attiré l’attention de deux fins observateurs de la politique nationale et internationale de la fin du XIXe et début du XXe siècle, l’économiste anglais, John. A. Hobson et le théoricien et révolutionnaire russe, Lénine. Leurs analyses sont d’une importance capitale, puisque l’un et l’autre étaient les témoins directs des politiques annexionnistes menées par les pays capitalistes d’Europe de l’Ouest et des USA en Afrique noire, en Asie et en Amérique latine. Ils décrivent et analysent avec force détails, la nature et les caractères saillants d’un nouveau phénomène à portée planétaire, l’impérialisme. Ce sont leurs analyses et leurs réflexions, étayées par ailleurs par d’importantes données quantitatives et qualitatives, qui nous ont inspiré pour traiter de cette question dont personne ne veut entendre parler aujourd’hui, l’impérialisme..
 
En 1902, John Hobson(1858-1940) publie un livre intitulé l’impérialisme                                                                                                                                       dans lequel il analyse les conditions d’émergence du phénomène impérialiste. Il considère qu’aussi longtemps l’Angleterre détenait le monopole du commerce et de l’exportation de ses produits manufacturés sur les marchés mondiaux, l’impérialisme ne pouvait prospérer. C’est en effet l’arrivée après 1870 de nouveaux concurrents sur des marchés jadis dominés par l’Angleterre comme la Belgique et les USA, qui a ouvert la voie à l’émergence de l’impérialisme. C’est pour faire face à l’intrusion de ces nouveaux pays sur son propre marché et sur ceux de ses colonies que l’Angleterre était amenée à réagir et à prendre selon Hobson, des mesures énergiques en annexant de nouveaux territoires situés essentiellement dans les régions tropicales. Pour écouler leurs propres marchandises, les autres pays concurrents dont le nombre ne cessa d’augmenter surtout après l’unification politique de l’Italie et de la Prusse, ont réagi de la même façon que leur concurrent anglais en se lançant chacun dans des entreprises d’annexion de nouveaux territoires. Pour se protéger contre l’intrusion inopinée de nouveaux concurrents ou contre des concurrents potentiels, chaque pays commençait à ériger ses propres barrières protectionnistes dans les territoires annexés ou dans ceux mis sous le régime de protectorat. Selon Hobson, c’est cette demande soudaine pour des marchés extérieurs soit pour écouler des marchandises soit pour trouver des sources d’investissements plus rentables pour les capitaux, qui définit l’impérialisme. L’amélioration continue des méthodes de production et la concentration des richesses en vertu du régime de la propriété privée n’ont fait qu’accentuer cette tendance impérialiste. Grâce aux progrès techniques généralisés en Europe et aux USA qui ont entraîné par voie de conséquence des crises cycliques et chroniques de surproduction, les marchés nationaux étaient devenus trop petits pour le grand capital formé par l’union sacrée des industriels et des banquiers. C’est à partir de là que ces grands acteurs de la machine économique commençaient mettre leurs gouvernements sous pression pour annexer de nouveaux territoires soit pour sécuriser des marchés déjà conquis soit pour en conquérir d’autres essentiellement sous les tropiques. Pour Hobson, ce sont ces différents facteurs qui ont poussé les États à mobiliser une grande partie de leurs richesses nationales pour les mettre au service d’une politique impérialiste qui ne sert finalement que les intérêts d’une poignée de capitalistes.     
 
L’économiste anglais avait d’ailleurs profondément influencé un autre observateur du phénomène impérialiste, Lénine. En effet, dans son pamphlet, l’impérialisme, stade suprême du capitalisme, rédigé entre janvier 1916 et juin 1916 et publié début 1917 par les éditeurs Parus de Petrograd, Lénine cite et commente plusieurs extraits de l’ouvrage de Hobson et il définit l’impérialisme par les cinq éléments suivants: 1)la concentration de la production et du capital et la formation de monopoles qui dominent la vie économique; 2) La fusion du capital bancaire et du capital industriel pour former le capital financier; 3) l’exportation du capital comme mécanisme différent de l’exportation des marchandises ; 4) la formation des grands groupes multinationaux qui se sont partagés le monde en zones d’influence; 5) la division du monde entre les grandes puissances capitaliste. L’impérialisme est une économie parasitaire dominée par les cartels, les consortiums et les trusts qui, après avoir contrôlé les principaux secteurs économiques de leurs propres pays, se sont tournés vers d’autres pays convoités pour leurs richesses naturelles et pour leurs matières premières. Cette mainmise n’a fait qu’accroître encore un peu plus leur pouvoir économique et politique qui va se révéler par la suite, future source d’antagonismes entre l’industrie cartellisée et la petite industrie dont elle était complètement dépendante pour ses approvisionnements en matières premières. Le même processus de formation de monopoles s’est produit également dans le secteur bancaire. Là aussi, après avoir dominé l’essentiel de l’activité financière dans la métropole, le capital financier était obligé de chercher son tour de nouveaux territoires pour des investissements plus lucratifs. Les luttes acharnées entre les différents pays capitalistes pour contrôler des nouveaux marchés et pour leur industrie et pour leur capital financier sur les marchés étrangers ont redessiner une nouvelle carte du monde et sa division en zones d’influence et en territoires contrôlées par quelques grandes puissances. Pour Lénine, ce qui caractérise l’impérialisme, ce sont les monopoles, l’oligarchie, la lutte pour la domination et non la lutte pour la liberté et l’exploitation des ressources naturelles des nations faibles par une poignée de nations riches et puissantes. 
 
IMPERIALISME, REPONSE AUX CRISES DU CAPITALISME
 
L’impérialisme puise ses racines dans la nature et la logique de fonctionnement du mode de production capitaliste. Ce sont les crises chroniques et cycliques provoquées par la loi de la baisse tendancielle du taux de profit provoquée qui entraîne une modification graduelle dans la composition organique moyenne du capital. Selon Marx, une baisse graduelle du taux de profit est proportionnelle à l’accroissement progressif du capital constant par rapport au capital variable. (Le Capital, Livre III, Editions sociales, 1977.p.210). Cette tendance progressive à la baisse du taux de profit est due au progrès de la productivité sociale du travail, au développement des méthodes de production propres à la production capitaliste, au perfectionnement des machines et des moyens de travail et en fin de compte à l’abaissement du coût de la production des marchandises.
 
Les conséquences de la loi tendancielle de la baisse du taux de profit sont multiples: l’accélération de l’accumulation du capital, sa concentration et sa centralisation et la dépossession des capitalistes de moindre importance et pour reprendre l’expression de Marx « l’expropriation du dernier carré des producteurs directs, chez qui il restait encore quelque chose à exproprier »(idem.p.236). Cette baisse du taux de profit qui est l’aiguillon de la production capitaliste entraîne la surproduction, la spéculation, les crises et la constitution d’un capital excédentaire à côté d’une population en excédant. Mais cette loi qui est seulement une loi tendancielle peut être contrecarrée et ses effets supprimés grâce à l’augmentation du degré de l’exploitation de l’ouvrier, la prolongation de la journée du travail, la surpopulation relative et le commerce extérieur.
 
Cette loi de la baisse tendancielle du taux de profit de Marx est d’une importance capitale. Elle explique les contradictions du capitalisme et de ses crises cycliques ou chroniques. La baisse tendancielle du taux de profit sert aussi de fil conducteur à l’analyse et à la compréhension des transformations des formes de l’État et les raisons de l’émergence d’un « État fort » (les régimes nazi et fasciste en Allemagne et en Italie) ou les objectifs des politiques dites libérales dans les démocraties dont la seule finalité est de contrecarrer cette loi en réprimant la montée des mouvements hostiles au grand capital (pour les régimes autoritaires fasciste et nazi) ou par l’intensification de la surexploitation de la force du travail par le démantèlement de l’État providence et l’anéantissement des acquis sociaux obtenus par les luttes du monde du travail (pour les politiques libérales). Mais elle explique surtout pourquoi les pays capitalistes européens se livrèrent à des luttes acharnées durant les trois décennies du XIXe siècle pour se partager le monde dans le but de mettre la main sur les sources des matières premières.
 
Pour mieux cerner les conditions d’émergence de l’impérialisme, c’est donc par l’étude des crises cycliques et chroniques du capitalisme qu’il faudra commencer. Au début du XIXe siècle, sous le premier Empire, il y a eu une série de crises: crise agricole en 1802-1803; crise industrielle en 1810-1811; crises monétaires dues à la déflation de 1805-1807 et de 1812-1815 qui ont entraîné un grand nombre de faillites durant les années 1818-1819; crises du textile de 1833 à 1843; crise de 1837 provoquée par l’encombrement des marchés américains dû à des créances et des marchandises impayées (crise à comparer avec la crise actuelle de l’immobilier aux USA) ; crise de 1839, crise générale et profonde de 1848. Ces crises qui ont secoué les pays capitalistes durant la première moitié du XIXe siècle représentaient les premiers symptômes de ce que Marx a appelé l’accumulation primitive, mais elles n’avaient encore ni l’intensité ni l’ampleur de celle qui allait survenir durant la seconde moitié du XIXe siècle, plus précisément à partir des années 1870 et qui allait durer jusqu’à la dernière année du XIXe siècle. Cette longue période s’étendant de 1873 à 1898, appelée la longue Dépression ébranla les pays capitalistes d’Europe occidentale et atteignit même l’Amérique du Nord.
 
Bien qu’il ne fût pas un témoin direct de l’émergence et de l’essor de l’impérialisme, Marx peut nous servir d’éclaireur pour comprendre la logique du phénomène impérialiste. L’auteur du Capital considère que l’ennemi le plus dangereux pour le capital, c’est le capital lui-même, car, « la véritable barrière à la production capitaliste, c’est le capital lui-même »(Le Capital, livre III.p.244). L’essentiel, ce n’est donc pas d’avoir du capital, c’est plutôt sa mise en valeur. Le développement absolu des forces productives entraîne sans cesse une dépréciation périodique du capital existant alors que le but du système capitaliste est la conservation de la valeur-capital existante et sa mise en valeur au maximum. Et la dépréciation périodique du capital existant qui est un caractère immanent au mode de production capitaliste d’arrêter la baisse du taux de profit et d’accélérer l’accumulation de valeur-capital, s’accompagne de crises du procès de production. Puisque la mise en valeur du capital est le sacro saint principe et le moteur du mode de production capitaliste, et puisque la production n’est qu’une production pour le capital et non l’inverse, la baisse du taux de la mise en valeur du capital total, le taux de profit entraîne le ralentissement de nouveaux capitaux autonomes, menacera le développement du procès de production et favorisera la surproduction absolue de capital c’est-à-dire le capital additionnel destiné à la production capitaliste qui tendra vers 0. Or la fin de la production capitaliste, c’est la mise en valeur du capital, c’est-à-dire l’appropriation de surtravail, la production de plus-value et donc du profit. Si le capital engagé dans le procès de production ne produit qu’une masse de plus-value tout au plus égale et même moindre qu’avant son augmentation, il y aura surproduction absolue de capital qui signifie aussi une suraccumulation de capital. Par ailleurs, l’accumulation entraîne une accélération de la baisse du taux de profit qui implique d’une part, la concentration du travail à grande échelle et d’autre part, une concentration corollaire du capital et sa centralisation par la dépossession des capitalistes de moindre importance. 
 
Avant l’émergence de l’impérialisme, il y a lieu de supposer que la loi de la baisse tendancielle du taux de profit fût contrecarrée par l’augmentation du degré d’exploitation du travail et la réduction du salaire au-dessous de sa valeur grâce à des législations anti-ouvrières visant à allonger la journée du travail. La baisse de prix des éléments du capital constant avait été contrecarrée par les progrès techniques induits par la révolution industrielle. Pour le commerce extérieur, les colonies qui assuraient la fourniture à l’industrie des matières premières bon marché ont pu absorber une partie de la surproduction de la métropole. Tant que ces conditions minimales étaient assurées dans le cadre des États nationaux qui intervenaient pour contrecarrer la loi de la baisse tendancielle du taux de profit grâce à des législations sociales visant à augmenter la surexploitation de la force du travail et à faire baisser les salaires des ouvriers, le capitalisme pouvait surmonter ses crises cycliques et chroniques et l’heure de l’impérialisme n’était pas encore venue.
 
Mais la seconde moitié du XIXe a vu profiler à l’horizon les prémisses de la deuxième Révolution industrielle et les progrès techniques devenaient un phénomène général en Europe et aux USA. De son côté, le prolétariat commençait à s’organiser dans des associations de défense de ses intérêts après les révolutions de 1848, puis, à partir des années 1860, dans des structures plus complexes et extra-nationales. La fondation d’une première association ouvrière internationale, la Première Internationale en 1864 avec la participation des grands théoriciens comme Marx, Proudhon et Bakounine témoigne de cette prise de conscience du mouvement ouvrier, de sa force et de ses moyens pour arracher une réduction du temps de travail, une amélioration des conditions des travailleurs dans les usines et le droit à l’instruction et à l’éducation des enfants de la classe ouvrière. Les deux événements politiques majeurs de la deuxième moitié du XIXe siècle furent l’unification de l’Italie en 1866 sous la direction de Garibaldi et Mazzini et celle de la Prusse menée par Bismarck suite à la défaite de Napoléon III à Sedan en 1870.
 
Avec l’unification de l’Italie et de la Prusse, cela signifie l’émergence de deux nouveaux concurrents et deux nouveaux marchés, ce qui allait exacerber encore davantage les rivalités et la compétition entre les pays capitalistes. En effet, l’arrivée de ces deux nouveaux concurrents a entraîné la fermeture des frontières de l’Italie et de la Prusse à la concurrence étrangère par l’élévation des barrières protectionnistes qui allaient empêcher les autres concurrents, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, la Belgique, d’y écouler leurs produits manufacturés. De plus, ces deux nouveaux pays possédaient des savoirs-faire techniques du même niveau sinon supérieurs à ceux des autres pays européens et des USA. L’Italie et la Prusse étaient donc capables de produire des marchandisages en très grandes quantités et à des prix très compétitifs. Les marchés nationaux étaient vite saturés et les crises de la surproduction commençaient à menacer les fondements mêmes de l’économie capitaliste. Car, qui dit concurrence, dit baisse du coût de production, une baisse concomitante du taux de profit et une accumulation du capital. C’est alors qu’apparaissent les premiers symptômes d’une crise majeure à partir de l’année 1873 qui allait durer, entrecoupée par des courtes périodes de répit, jusqu’à l’année 1898. Par un réflexe de survie, chaque pays capitaliste était tenté de réagir par la recherche de nouveaux débouchés pour ses détenteurs de capitaux qui ont vu leurs profits dangereusement mis à mal par les effets de la crise. C’est sous la pression des magnats de l’industrie et de la haute finance que les dirigeants politiques des pays capitalistes commencèrent à entreprendre une politique active de recherche de nouveaux marchés pour l’industrie et de nouveaux débouchés plus rentables pour le capital financier. Avec l’annexion de nouveaux marchés dans les pays tropicaux, le capital financier pouvait enfin respirer et retrouver les conditions idéales de son expansion et de son accumulation. C’est le début d’une nouvelle période cruciale dans l’histoire des sociétés modernes, celle de l’impérialisme qui allait constituer la toile de fond de toutes les politiques menées par les pays capitalistes depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Les guerres d’Afghanistan en 2001 et d’Irak en 2003, et celles à venir contre l’Iran ne sont que les tout derniers avatars de l’impérialisme dont les sources remontent aux deux dernières décennies du XIXe siècle.
 
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
 
FAOUZI ELMIIR
 
MOTS CLES : capital, capitalisme, impérialisme, Marx, Lénine, Hobson, crise.

Publié dans IMPERIALISME

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